Je me nomme Esperanzza Olerry, plus connue sous le nom d’Esperanzza de Belfast ou encore Espy, selon le degré d’affinité.
Je suis née le 20 ème jour du mois de novembre 1430, dans la petite Cité de Port an Dúnáin, que les Anglois connaissent sous le nom de Portadown, mais moi je préfère dire le nom de ma ville en gaélique, ma langue maternelle. Une langue que j’ai depuis fort longtemps oubliée compte tenu que je ne la pratique plus depuis l’enfance.
Mon paternel a obligé ma mère et toute sa famille à le suivre quelques mois à peine après ma naissance. A le suivre jusqu’en Pays d’Oc afin d’y retrouver l’un de ses vieux amis, le Sire d’Axat en son domaine situé dans la Vallée de l’Aude.
Vous dire comment s’est déroulé le voyage… ça je ne le pourrais, vu l’âge que j’avais. Mais ce dont je me souviens, c’est des senteurs des champs et des bois durant mon enfance. De mes jeux aussi, toujours joyeux, toujours plein d’aventures.
Mon père avait alors la lourde charge de former le fils de son ami au dur métier des armes. Et ma mère, fort habile de ses dix doigts, tissait de si belles tentures qu’elle était connue loin à la ronde.
Bien que l’époque de mon enfance ait été bercée par mes jeux d’enfant, j’ai depuis aussi longtemps que je m’en souvienne, eut le vent en poupe. Allant de droite et de gauche, m’intéressant à tout, comme si tout avait une importance capitale.
Aimée de ma mère comme il se doit, je me suis développée sans voir filer mes plus délicieuses années.
Adorée de mes deux grands frères, batailleurs infatigables, je me suis vite éprise des joies de la dague, que je manie assez bien, sans me vanter. Enfin, autant de choses qui me furent utiles quelques années plus tard…
Parvenue à l’âge fleurit de l’adolescence, j’en ai voulu au Créateur, à mon paternel ainsi qu’à la terre entière… de m’avoir faite femme !
Alors que mes meilleurs amis, tous garçons, s’en allaient rejoindre les rangs des milices, j’aurais dû, selon le souhait de mon père, aider ma mère dans ses tâches quotidiennes. Mais ces travaux-là ne furent pas à mon goût et, un soir sans lune, armée de ma dague qui ne me quittait plus, j’ai fait fête à ma chevelure.
Ayant dérobé un haut et un bas à mon frère adoré, je me suis enfuie, ainsi vêtue, à la suite du fils d’Axat qui venait de partir pour les batailles.
Je me souviens de ce temps là comme de la plus belle période de ma jeunesse. Je devais alors avoir quinze ou seize ans.
Il me revient en mémoire la tête ahurie de ce vieux Sigismond lorsqu’il comprit, après plus d’une année passé à dormir à côté de moi… qu’en réalité j’étais une fille.
Inutile de vous dire que le fils d’Axat entra en colère noire et menaça de me renvoyer auprès de mes parents sur le champ. Heureusement pour moi, le vieux Sigismond me prit sous son aile et me défendit, plaidant ma cause en rappelant à tous ces « mâles » bombant le torse, qu’à la bataille j’avais toujours fait mon ouvrage ; et parfois même bien mieux qu’eux.
Chose que le fils d’Axat dû reconnaître puisque avec Sigismond nous lui avions sauvé la vie… et toc ! Bien fait !
Je fus dès lors admise dans le cercle très fermé de Messieurs les guerriers, et non point en qualité de cantinière je vous prie de le croire ! Mais bel et bien au sein même des troupes, tout comme avant lorsque j’étais déguisée en « mâle dominant ». Dès cette période, je n’ai plus jamais eu les mêmes vues sur les hommes…
Une fois les guerres terminées, le glas du retour retentit. Mais le fils d’Axat ne l’entendit pas de cette oreille. Il nous proposa, à Sigismond et à moi, de l’accompagner en terre Normande.
Un bien long et pénible voyage, s’il en fut…
Nous avons stoppé notre route à Bayeux où nous nous sommes mêlé à la populace au gré de nos envies, ou de nos besoins, selon les jours.
Puis, voilà-t-il pas que le fils d’Axat s’énamoure d’une tourterelle inconnue au bataillon. Du coup, zou, me voilà nommée Damoiselle de compagnie de la belle. Lorsque je dis « damoiselle de compagnie » comprenez garde du corps, parce que moi, servir une fille que je ne connais ni d’Adam, ni d’Eve… ça m’a pas plu. Mais bon j’ai dû m’y faire.
Et c’est ainsi que j’ai rencontré la future épouse du fils d’Axat, Josephine.
Une Dame bien née qui possède, en plus d’un charme fou, tout ce qu’une fille peut rêver ; à l’exception du mari, cela va s’en dire !
Dès le jour de leurs noces, l’époux signala à son père que j’étais avec lui en Normandie.
Est-ce pour me punir d’avoir fui la maisonnée bien des années auparavant ? Ou est-ce par bonté ? Aristote seul le sait… toujours est-il que le vieux bouc m’offrit en cadeau à sa bru.
D’abord placée sous les ordres de Michita d’Axat, je fus très vite à la disposition exclusive de Josephine qui, avec un tact que seule une femme peut avoir, m’a fait prendre mes aises dans une autre ville que la sienne. Me libérant ainsi des tracas quotidiens que son époux me faisait subir en me pressant de faire « vite ceci » ou « vite cela ». Pour moi, une vie nouvelle commença.
Une vie pleine de charmes, une vie emplie de belles aventures, la vraie vie quoi !
Allez savoir pourquoi, alors que j’étais si bien dans ma Honfleur fleurie, voilà que les d’Axat- de Lisieux, c’est le nom de famille de Josephine, se mirent en tête de déménager en Empire.
Comme le dit Sigismond : « C’est presque la même chose qu’en Normandie, mais en pire » ! Et il ne croyait pas si bien dire, le vieux frère…
Je suis donc arrivée à Saint-Dié… contre mon gré… mais maintenant que j’y suis, je m’y sens tellement bien.
Voilà, que dire de plus ?
Si ce n'est que Josephine est devenue une véritable amie et qu'elle a eu une jolie petite fille...
Ah oui, et je me suis mise à l’élevage et à la cueillette des fruits. Bon, d’accord, c’est bien moins passionnant que « jouer à la guerre » avec des gars qui courent autour de toi en braillant pour se donner du courage. Mais c’est pas mal non plus ; d’autant qu’il y a les tavernes !
Ah ça, les tavernes, c’est « kék chose alors »…